mercredi 8 mai 2024

Pas savoir 15

 




Finir grain de sable

Dans les rouages trop serrés

D’un monde clos


Finir caillou dans la chaussure

Histoire de dévier 

La marche d’un monde 

Ivre de lui-même


Finir épine dans le pied

Pour faire boiter l’histoire

Sur son chemin de violence


Finir sonnette d’alarme

Lorsque vous allez si mal

Sans trop savoir pourquoi

Mais regardez le monde

Sans vraiment le voir


Je serai cet empêcheur 

De tourner en rond

Dans la cage confortable

Des dogmes universels


Je passerai mes heures

À jeter mes mots

Dans la mare où vont nageant

Ceux qui savent encore nager


Je tendrai la perche

À ceux qui ne sachant pas

Seront déjà par le fond

Dans la vase d’un temps perdu


*


Une goutte d’eau

Qu’ils disent

Comparé à ce que ton véhicule pollue

Une goutte d’eau


Dormez-bien braves gens

Surtout ne changez rien

Les habitudes sont tenaces

Même si elles nous mènent 

Droit sur un mur


Il y ceux qui 

Ceux qu’on

Ceux avec

Ceux contre


On débat sur le sexe des anges

Pendant que le temps s’écoule

Semant l’illusion d’un monde infini


Consommons donc joyeusement

Allons-y

Puisque c’est goutte d’eau

Que moteurs hurlants 

Qui tournent et retournent

Entre les barrières du spectacle


Dormez-bien braves gens



Xavier Lainé

15 avril 2024


Pas savoir 14

 




Ce à quoi j’assiste

Ce qui me révolte


La mort d’une librairie

Puis

Par un dimanche radieux

Frisant déjà chaleurs estivales

Preuve tangible

D’un problème de climat

Débauche de démonstrations

Sur podiums tracto-portés

D’engins sur deux roues

Avec odeur d’essence

Et panache de fumée


Ce à quoi j’assiste

Ce qui me révolte


Que je me sente si seul

Devant le triste spectacle

De ma ville vouée

Au mièvre et à l’inculte


Ce à quoi j’assiste

Ce qui me révolte


Ce que je refuse

Ce contre quoi je m’insurge


Je serai cette épine dans le pied

Ce caillou dans la chaussure

Ce clou dans les pneus


Je serai cauchemar

Qui rendra sommeil d’édiles

Impossible à trouver

Sans qu’ils mesurent

Leur responsabilité immense

Dans l’assassinat de notre terre commune


Je refuse de me vautrer et d’applaudir

Tandis que sous mes fenêtres

Une circulation démentielle

S’épanche sous un soleil ardent


J’en appelle au sursaut

De conscience et d’intelligence

Même si c’est difficile

Car il n’est pas de chemin qui soit facile

À qui veut préserver ses enfants

D’un avenir abyssal


Je serai le grain de sel de trop

Dans le potage des conformités

Le grain de poivre

Le piment fort 

Dans la soupe médiatique

Qui accepte et fait accepter

Que certains en une heure

Gagne le salaire d’autres en un mois


Je tire la sonnette d’alarme

Réveillez-vous

Ne vous laissez plus berner



Xavier Lainé

14 avril 2024


lundi 6 mai 2024

Pas savoir 13

 







Mais voilà que je m’égare

Que j’aligne des mots en perdant le fil


Je m’inquiète

Je m’inquiète de cette indifférence symptomatique

Signe d’une maladie qui nous ronge

Qui s’insinue par toutes les failles de notre attention


Ça commence par les copinages d’élus assoiffés de pouvoir

Ça continue en plaçant les amis puis les amis des amis aux postes clés

Ça se poursuit en stigmatisant toute forme d’opposition

Toujours au nom de vérités auto-proclamées

De dogmes éculés

De savoirs incontestables mais tournés dans un seul sens

Celui qui convient à qui détient pouvoir et puissance

Pouvoir et puissance qui imposent aux autres

Aux riens qui ne sont pas du côté du manche

Obéissance et soumission


Là je ne m’égare plus

Au risque de vous lasser je voudrais appeler les choses par leur nom

Dans ma ville une librairie ferme

Que les imbéciles dits de « droite » n’en disent rien ne m’étonne pas

Que les imbéciles qui se disent de gauche n’en disent rien m’écoeure

Que tous viennent sous peu pleurer 

Lorsque les idiots qui se proclament d’extrême droite

Fiers de leur victoire viendront parader devant les vitrines en deuil

D’une culture bourgeoise épuisée par ses promoteurs

Voilà qui me désole tant le schéma n’est que redite d’une histoire

Dont tous avaient proclamé qu’elles ne devaient pas se répéter


Le fascisme répond à une rhétorique

C’est une lente descente en enfer

Ont peut toujours le dénoncer lorsqu’il s’installe

Il faudrait peut-être pointer du doigt la philosophie qui lui ouvre les portes

Celle qui dit qu’il y en a qui sont quelque chose 

Tandis que les autres ne sont « rien »

Celle qui tolère que des hommes des femmes et des enfants se noient à nos portes 

Celle qui tolère qu’un mort israélien est supérieur à des milliers de morts palestiniens

Celle qui tolère qu’une religion soit stigmatisé au nom de ses « intégristes » stupides

Celle qui accepte que des élites causent de tout sans rien savoir de la vie de ceux dont ils causent

Celle qui considère que certains savoirs seraient plus « sérieux » que d’autres

Celle qui stigmatise tout propos critique au nom d’une science prétendument exacte


Le processus est en marche et nous n’en disons rien

Nous continuons à faire comme si de rien n’était

Sans entendre les esprits déjà acquis au mufle hideux

Sans observer comment la déshumanisation du monde

Est une accélération vers le mur de l’horreur pourtant déjà connue

Déjà vécue


Déjà vécue

Comment pouvons nous l’ignorer

Dans un pays qui est sensé enseigner l’histoire

Mais qui accepte que des hommes tuent leurs compagnes

Que des enfants soient jetés à la rue

Que les orientations sexuelles soient stigmatisées


Ce pays là est déjà l’objet d’une gangrène


Comment accepter que tant de connaissances soient disponibles

Tandis que l’ignorance gagne du terrain

Chacun tourne ses vidéos pour dire sa vérité

Chacun sauve son petit ego sur la scène d’une culture spectacle

On idolâtre les « meilleurs »

Sans voir qu’en d’autres temps les idoles nous menèrent

Tous marchant au pas et le bras tendus

Dans le gouffre des crimes contre toute humanité


Pardonne-moi lecteur

Cette profonde colère

Poussée dans le silence abyssal d’une ville enfoncée dans un mutisme pesant

Ma ville se dit « ville du livre et de la culture »

Mais des gens cultivés acceptent qu’une librairie ferme en son coeur

Tandis que la misère y croit dans les zones marginales d’une ville vieillissante

La jeunesse s’en va sous d’autres cieux

Ne revient qu’en situation d’échec

Il y a ceux qui s’en sortent 

Et ceux qui ne sont « rien »

Méprisés par les premiers

Tout ceci dans le lit dressé par les dogmes néo-libéraux

Bien installés dans une rhétorique du pire

Au nom d’un commerce confondu avec le pléthore de tout

Pléthore qu’on jette 

Pléthore que les miséreux vont chercher dans les poubelles

Une fois la nuit tombée


Pardonne-moi lecteur de cette poussée d’urticaire

Mais le néo-libéralisme

S’il n’est pas lui-même un fascisme

Nous y mène tout droit en étouffant toute voix divergente


*


Mais bien sur que vous ne l’êtes pas

Imbéciles

Vous qui ne lisez pas

Ma colère me pousse à propos trop forts

Dont vous pourriez me juger arrogant


Vous ne l’êtes pas

Vous pourriez simplement 

L’être encore moins si


Que dans ma ville une librairie sur trois ferme

Peut-être demain deux sur trois

Me semble simplement terrifiant

Quand à chaque coin de rue on trouve coiffeurs

Ou commerces de vêtements


La parure et l’apparence

Si possible de la couleur des pavés

La couleur et l’apparence de la ville

Tandis que sa population vieillit

Sans que rien ne soit imaginé 

Qui en enraye le déclin


Le poète solitaire rêve d’autre chose

D’une ville ardente où jeunesse et vieillesse seraient 

D’un commun accord capable de vivre leurs rêves


Le poète solitaire imagine une ville

Où créer soit un mode de vie

Et non un enterrement de première catégorie



Xavier Lainé

13 avril 2024