lundi 18 mars 2024

Debout au milieu du gué 24

 




L’attention se détourne de l’écrit quotidien

Lire et relire

Ce qui pourrait un jour faire livre



Xavier Lainé

24 février 2024


dimanche 17 mars 2024

Debout au milieu du gué 23

 




Il ne faudrait quand même pas

Me taire

Ne plus rien écrire

Sur la première page du jour


J’erre entre les mots

Ils envahissent tout mon espace

Ils se dilatent à l’infini des livres


Il faudrait même

Que j’en ramasse quelques-uns 

À la pelle pour

En faire un livre


Pourquoi pas

Un livre


Les précédents dorment 

Dans les cartons de l’oubli

Je n’ai pas su

Leur donner vie

Pas su


Il faudrait pourtant

Que je me force un peu

Sans trop savoir comment

Ni si


Ni si mes mots 

Pourraient faire sens



Xavier Lainé

23 février 2024


Debout au milieu du gué 22

 




Mais les larmes

Pas la joie


Les larmes de vous voir enfin

Reconnus pour ce que vous étiez

Des humains tissant notre dignité

Face à l’affront hideux de la haine


Mais les larmes

Pas la joie


Les larmes d’avoir baigné 

Dans la mémoire de votre grandeur

À l’heure où tant de bassesses 

Plongent notre monde

Dans un vertige d’inhumanité


Mais les larmes

Pas la joie


De découvrir en cet hommage rendu

Tout l’art du double langage

Manipulé avec prestance

Par les fossoyeurs de notre humanité commune


Mais les larmes

Pas la joie


La joie viendrait si



Xavier Lainé

22 février 2024


jeudi 14 mars 2024

Debout au milieu du gué 20

 




De quel sommeil causer

Quand tout s’agite et s’éparpille


On cherche en vain

L’onde bénéfique


Tu tombes

Toujours tu tombes

Sans même savoir 

La raison de ta chute


Ce qui est


Nul bras pour 

Nul bras contre

Rien d’ouvert

Tu tombes à bras fermés


Quel sommeil saurait

Ralentir la chute


Quels bras pour t’accueillir

Quand les coeurs flanchent


Ne vous étonnez point

D’aller si mal

Ce que vous vivez est là

Inscrit en lignes de douleurs


Ne vous étonnez point



Xavier Lainé

20 février 2024


mercredi 13 mars 2024

Debout au milieu du gué 19

 




L’être est irréductible à la somme de ses parties


C’est le refrain qui monte

De sous le galet où mon sommeil pose son pied


Mais on vous dit de regarder le doigt

Non la lune ou le bras qui dirige le doigt


On vous dit

On vous dit que pour être en prison

Il faut bien avoir commis quelque crime

Que la mort est méritée

Que la maladie aussi


Ce qui monte de sous le galet

Où mon sommeil pose le pied

C’est ceci


L’être est irréductible à la somme de ses parties


C’est ce qui fait science

Si j’observe les parties

C’est bien pour tenter d’en approcher la somme

Mais comme la quadrature du cercle

Il en manque toujours un bout


Alors je lis

Étrange résonance

Que ce qui importe dans un monde de pensée unique

C’est de regarder le doigt

Puisque le doigt est ma spécialité

Alors je soigne le doigt

Je dois

Même si 

Dans mon sommeil

Je pose mon pied sur un galet

Qui me dit que non

Que c’est injuste

De me limiter à ne voir

Que ce qu’on me dit qu’il faut voir


Je lis et j’écris

Je joins mon cri à tant d’autres 

Perdus dans les brumes de l’époque

Semées de mains de maîtres

Qui assoient leur pouvoir sur les fumées semées

Qui vous dicte de ne voir que le doigt

Quand votre instinct vous dit

De regarder le bras qui le porte

Le corps qui soutient le bras

Le sol qui soutient le corps

Et la lune que montre le doigt


J’écris


« Votre cri est comme le mien, parfois un peu "étranglé", et en tous cas, étranger à une forme de pensée unique, inique, imposée, qui ne sied qu'à qui a pris la mauvaise habitude de courber l'échine pour ne voir que le doigt quand il faudrait regarder la lune. »


J’écris

Je crie

C’est ainsi

Même si mon cri est voué au silence et à la brume

Même si les cris étouffés montent

De sous les galets où mes pieds se posent

Traversant le gué de la vie

Perdant de vue la rive de mon départ

Ne voyant rien de l’autre


Mais toujours montent les cris

Des noyés

Des paumés du petit matin

Et du soir

Et de la nuit

Toujours montent les cris

Toujours d’où que se trouvent les prisons

Il monte

Ils sont ce corps vivant qui se prolonge dans un bras

Derrière un doigt

Qui me montre la lune


Mon esprit rebelle ne peut se faire

À l’idée de ne regarder que le doigt

Que la plaie sans un mot pour le couteau


Que les mots comme galets du gué

S’avèrent instables et incertains

Voilà qui me situe chez les vivants

Pas du côté des doctes qui dictent

Ce que je dois savoir pour leur complaire


Au bout de leur dictée

Mon esprit rebelle voit déjà la dictature

Cette façon de gouverner qui ne souffre pas

Qui impose la souffrance

En ne souffrant aucune opposition

Et condamne à la brume et à l’eau froide

Qui ne fait que commencer à voir et entendre

Dans la nuit

La multitude des cris


*


Je vis avec ça

Cette sensation forte

De n’être réductible à aucune de mes parties

D’être un tout vivant 

Plus ou moins en équilibre

Instable


Je vois avec ça

Cette perception de ce fragile équilibre

De le savoir sans cesse compromis

Remis en question

De devoir lui en inventer un autre

Pour continuer ma route

Sauter de pierre en pierre

Sur le gué de vivre


Il en est ainsi pour chacun

Car vivre n’est pas une ligne droite

Au contraire

Rien n’est acquis

Tout doit s’inventer à chaque pierre du chemin


L’être n’est en aucun cas

Réductible à la somme de ses parties

Ni réductible à ce que l’environnement

Lui fait subir

Tout nous façonne et en retour

Nous sommes avec les autres vivants

Des fabricants de vie



Xavier Lainé

19 février 2024